Management de transition, managers prestataires
Hyper-compétent, adaptable, disponible rapidement mais sur une courte période, le manager de transition est une nouvelle alternative au recrutement
Situation de crise, amélioration de la performance, départ précipité d’un cadre dirigeant… Les raisons de faire appel à un manager de transition se conjuguent au pluriel. Dotés d’une forte expérience sur des postes à responsabilité, ces acteurs du changement sont capables, grâce à leurs compétences pointues, de prendre les rênes d’une société, de mener des opérations complexes et de réinstaurer la confiance des salariés dans des temps records. Afin d’assurer la réussite de leurs missions, même en période tendue, ils ne laissent rien au hasard : diagnostic, mise en œuvre de solutions, passage de relais. Les résultats de leurs interventions se constatent sur le long terme.
par Adeline Farge
Soumises à de fortes turbulences économiques, les entreprises sont plus que jamais à l’affût de solutions pouvant leur procurer flexibilité, adaptabilité et réactivité. Apparu en France au début des années 2000, le management de transition ne cesse de séduire les grands groupes tout comme les PME, quel que soit leur secteur d’activité, industries et services en tête. “Sur un marché concurrentiel, ce qui fait la différence entre deux entreprises, c’est la rapidité et la qualité d’exécution. Ces dernières doivent être capables de s’adapter très vite aux besoins de leurs clients et aux mutations, comme la digitalisation, qui touchent tous les business models. Les managers de transition vont les accompagner et les soutenir dans tous leurs projets de transformation, de développement et de réorganisation”, souligne Philippe Soullier, président de Valtuset et vice-président de la Fédération nationale du management de transition (FNMT).
Depuis la crise économique de 2008, le marché du management de transition est en pleine croissance. Selon Delville Management, celui-ci a progressé de 4 % en 2014. “Alors qu’elles étaient réticentes par le passé à confier à l’externe des projets stratégiques pour des raisons de culture ou de confidentialité, les entreprises n’hésitent plus désormais à faire intervenir des cadres de haut niveau. Elles ont conscience que ces experts sont en mesure de les aider à surmonter une situation de crise et à conduire des opérations complexes rapidement”, analyse Benoît Durand-Tisnes, dirigeant et associé de Wayden Transition.
Des missions multiples
Séduites par l’idée de disposer dans les plus brefs délais de profils pointus capables de répondre à leurs besoins les plus spécifiques, près de 35 % des entreprises ont déjà fait appel aux services des managers de transition, selon l’enquête de Delville Management. Recrutés pour une période limitée, allant de quelques mois à une année, ces cadres dirigeants ou supérieurs surdimensionnés vont prendre au pied levé les rênes d’une entreprise, d’une filiale, d’un service ou d’un site. Lors de leurs prestations, ils mettront à disposition de l’entreprise leur expertise afin de gérer une situation de crise, piloter un projet stratégique, développer des activités à l’international, déployer de nouveaux outils, adapter l’entreprise aux évolutions du marché, manager les équipes en place ou encore remplacer en urgence un collaborateur sur une fonction clé.
Face à un manque de visibilité sur leurs carnets de commandes et à un personnel réduit au strict minimum, les entreprises se retrouvent vite débordées quand arrivent un pic d’activité ou un départ non anticipé. “De plus en plus d’entreprises travaillent à flux tendu. Souvent, elles n’ont plus les ressources disponibles ni les compétences nécessaires en interne pour mener seules des projets d’envergure et faire face à des enjeux significatifs dans des délais restreints. Elles vont donc avoir recours à ces professionnels expérimentés et opérationnels immédiatement qui vont leur apporter une agilité et les faire gagner en efficacité”, justifie Stéphanie Sabau, directrice executive management de transition chez Badenock & Clark.
Si à l’origine, des situations de crise comme des fermetures de sites industriels, des plans sociaux, et des restructurations d’établissement en difficulté, obligeaient les patrons à recourir à ce dispositif, aujourd’hui, les missions se conjuguent au pluriel. Loin de se résumer à des coupeurs de tête, les managers de transition interviennent de plus en plus pendant des phases de croissance. Les entreprises font appel à cette solution pour améliorer leur performance, internationaliser leurs activités, lancer des produits innovants, partir à la conquête de nouveaux marchés ou encore acquérir une nouvelle entité.
“Si l’image du management de transition a été associée à tort aux restructurations et aux fermetures d’usine, désormais, les entreprises sollicitent davantage leurs compétences pour prendre un virage différent et passer un cap. Si le chiffre d’affaires d’une société a par exemple quintuplé, celle-ci aura besoin de se réorganiser afin de maîtriser sa croissance et de la rendre viable. Le manager de transition va l’aider à monter en compétences, à faire grandir ses équipes et à mettre en place de nouveaux process afin qu’elle soit plus performante à l’avenir. Il va lui insuffler un souffle nouveau”, explique Anthony Baron, associé fondateur de Delville Management.
Des profils très pointus
Après avoir occupé des postes à responsabilité au sein de comité exécutif des entreprises (président, directeur général, directeur administratif et financier, directeur des ressources humaines, directeur des systèmes informatiques…) ou dirigé des sites de production, ces seniors hautement qualifiés et reconnus dans leur domaine d’activité ont choisi d’apporter aux entreprises les compétences qui leur manquent ainsi qu’un regard éclairé. Sorte de mouton à cinq pattes, ces experts rompus à la conduite du changement disposent, au-delà de leurs compétences techniques, de nombreuses qualités managériales. Parmi lesquelles capacité d’adaptation, leadership, culture du résultat, charisme, aisance relationnelle et disponibilité.
“Les managers de transition ont multiplié les expériences professionnelles durant leur carrière. Ils ont changé à plusieurs reprises d’entreprise, évolué dans différents secteurs d’activité et sont passés par l’international. La mobilité est un prérequis. On les croise souvent dans les gares et les aéroports. Ils vont s’adapter rapidement à la culture de l’entreprise et s’intégrer facilement dans les équipes. Ces cadres expérimentés vont faire preuve d’ouverture d’esprit, mais aussi de réactivité et d’efficacité”, assure Jacques Burtin, directeur associé d’Inside Management.
Souplesse de l’employabilité
Réservés pendant longtemps aux grands groupes pour des raisons de coût, ces couteaux suisses attirent désormais les PME. Grâce à cette solution, les employeurs peuvent s’offrir, le temps d’une mission et souvent à temps partagé, les servic es de ces talents qui, en temps normal, ne leur sont pas accessibles faute de moyens, et en particulier s’ils se situent dans des bassins d’emploi peu attractifs. “Certaines PME peuvent avoir des difficultés à recruter des compétences pointues. Avec le management de transition, elles ont l’opportunité de bénéficier des savoir-faire d’un professionnel expérimenté sur une courte période. Cela va leur permettre de mener à bien un projet vital pour leur développement et d’accélérer leur business. Une fois cet objectif atteint, la mission s’arrête tout simplement. Elles n’auront pas besoin de recruter ce type de profil en CDI”, précise Stéphanie Sabau.
Confrontées à un contexte d’urgence, les entreprises ont également l’opportunité de s’affranchir des procédures d’un recrutement classique qui s’étalent bien souvent, notamment pour des postes stratégiques, sur plusieurs mois. En s’appuyant sur des cabinets spécialisés dans le management de transition, les entreprises sont assistées du dépôt de l’annonce à la sélection de leur futur manager. Dotés de carnets d’adresses bien étoffés, ceux-ci sont en mesure de proposer à leurs clients plusieurs profils de managers de transition en adéquation avec leurs besoins spécifiques dans des délais plus que serrés.
“Le temps de trouver le candidat adéquat pour une fonction clé, plus de six mois peuvent s’écouler. Les entreprises ne peuvent pas vivre autant de temps sans cadre dirigeant, et encore moins sans directeur général. Avec cette solution, le manager est disponible immédiatement. Sous 15 jours, l’entreprise aura la possibilité de rencontrer des candidats triés sur le volet puis de recruter celui répondant à ses attentes. Car le management de transition permet aussi de limiter les risques d’erreur de casting. Le cabinet sera présent pour l’aider à sélectionner le candidat, voire à le remplacer s’il ne convient pas lors de la mission”, affirme Jacques Burtin.
Réactivité, indépendance et objectivité
Contrairement à un recrutement lambda, nulle période d’essai pour prendre tranquillement ses marques dans l’organisation et s’intégrer au sein des équipes. Ces hommes et femmes d’action se doivent d’être efficaces et opérationnels immédiatement. Leur challenge ? Prendre les rênes de la société en toute transparence et gagner la confiance des salariés en quelques jours seulement. Pour assurer la réussite de leurs missions, ils disposent d’une méthodologie bien rodée. Première étape : établir un audit. En dehors des jeux politiques et des querelles de pouvoir internes, ils ont les coudées franches pour remettre en cause les schémas préexistants et livrer à l’entreprise une vraie réflexion extérieure. “Les managers de transition n’ont ni passé ni avenir dans l’entreprise. Leur enjeu, contrairement à un CDD, n’est pas de se faire recruter à l’issue de leur mission. Ils ne recherchent pas les galons et les lauriers, ni à être complaisant. Ce qui les intéresse uniquement est d’emmener l’entreprise d’un point A à un point B. Ils sont focus à 100 % sur les problématiques de l’entreprise”, constate Benoît Durand-Tisnes.
À la différence des cabinets de conseils, ces acteurs du changement ne se contentent pas de formuler des préconisations. Ils conçoivent un plan d’action et mettent en œuvre des solutions, directement sur le terrain avec les équipes en place. “Ces professionnels sont des cap-horniers, capables de piloter par gros temps, et ils n’hésitent pas à mettre les mains dans le cambouis. Ils prennent des décisions rapidement et les appliquent en gardant la tête froide dans des contextes tendus, estime Benoît Durand-Tisnes. Ces cadres sont orientés vers la culture du résultat et l’engagement opérationnel. Ce sont des contributeurs à part entière.” Enfin, une dernière phase est vitale : le passage de témoin. Avant leur départ, les managers de transition transmettent leurs savoirs, leurs pratiques et toutes informations utiles sur leur projet aux collaborateurs, et plus encore à leur successeur. Bien que l’expertise d’un manager de transition se monnaie au prix fort, avec des journées facturées entre 1 000 et 1 500 euros, les bénéfices d’un tel recours perdurent bien au-delà du cadre de leur mission. La pérennité de la société sera garantie sur le long terme.