L’intérim en col blanc
Quand l’agence de travail temporaire devient un partenaire de l’entreprise pour la sélection et le recrutement des profils les plus pointus
Face à un marché du travail tendu, l’intérim est une modalité d’embauche souple et pratique. Les entreprises ont la possibilité de profiter d’un vivier de candidats recrutés par l’agence de travail temporaire. Surcroît d’activité, remplacement d’un salarié absent ou emploi saisonnier sont autant de situations où le recours à l’intérim s’impose. Plus seulement perçu comme une solution par défaut, son image s’est améliorée auprès des employeurs mais aussi des jeunes diplômés. Grâce à leurs missions, ils ont l’opportunité d’acquérir une première expérience professionnelle, un vrai tremplin vers l’emploi. Et de plus en plus souvent, la période d’intérim fait office pour l’entreprise de période d’essai, y compris sur des profils tertiaires et des compétences très pointues.
par Adeline Farge
Victime directe du marasme économique, l’emploi intérimaire n’a cessé de reculer en France. Première variable d’ajustement en période d’incertitude, le secteur a perdu près de 70 000 emplois depuis 2011. Pourtant, depuis le début de l’année, l’esquisse d’une légère reprise se dessine. Selon la note méthodologique de Pôle emploi et de la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) sur l’emploi intérimaire en février 2015, l’intérim a progressé de 1,5 % sur un an et compte 601 300 travailleurs temporaires. À l’exception du BTP, qui reste sinistré, l’emploi intérimaire se développe dans les autres secteurs, précise le baromètre Prism’Emploi publié en mars 2015. Il enregistre une amélioration dans l’industrie, les transports, les services et le commerce. Une bonne nouvelle pour le gouvernement. En effet, cet indicateur avancé du marché de l’emploi préfigure la tendance des recrutements à venir. “L’intérim est un fidèle baromètre de la croissance économique des entreprises. Quand la conjoncture est morose, le recours à l’intérim chute. Cependant, dans certains secteurs, tels l’aéronautique, les carnets de commandes se remplissent. Pour les honorer et renforcer leurs effectifs, les entreprises vont choisir la souplesse et la flexibilité offertes par ces contrats”, analyse Jean-Philippe Cavalier, directeur des opérations France chez Synergie.
L’urgence dans la souplesse
La majorité des entreprises qui ont recours aux services des agences de travail temporaire sont à la recherche de compétences immédiates pour accompagner un surcroît d’activité temporaire et imprévu, pour remplacer un salarié absent au pied levé ou pour pourvoir un emploi à caractère saisonnier. “Les entreprises, notamment les PME, manquent de visibilité sur leurs activités et rencontrent des difficultés à anticiper leurs commandes. Elles se tournent vers nous pour recruter rapidement et au bon moment les personnes dont elles ont besoin. Nous leur apportons une réelle réactivité”, précise Jean-François Denoy, directeur général de Manpower France. Selon l’étude ‘Perception du travail temporaire et du management de transition dans le monde’ de Page Personnel, les principales raisons de faire appel au travail temporaire sont pour 95,2 % des employeurs de répondre à des besoins ponctuels, et pour 94,4 % de gagner en flexibilité. “Lors de restructurations ou de fusions, les entreprises vont prendre un intérimaire le temps que la transition se fasse dans leurs équipes. L’intérim est une variable d’ajustement. De plus, elles ont parfois besoin d’une expertise technique pour gérer un projet spécifique. Si elles n’ont pas les ressources en interne, elles se tournent aussi vers cette modalité d’embauche”, explique Romain Werlen, directeur comptabilité et finance chez Page Personnel.
Face à un climat économique incertain, les entreprises ignorent si les pics d’activité rencontrés vont perdurer dans le temps. L’intérim leur offre la flexibilité nécessaire. Grâce à une mention inscrite sur le contrat de travail appelée “période de souplesse”, l’entreprise a la possibilité d’aménager le terme de la mission temporaire. Celui-ci peut être avancé ou reculé à raison d’un jour pour cinq jours de travail effectués, sans pouvoir réduire la durée de la mission de plus de dix jours. De son côté, l’intérimaire pourra être reclassé dans une autre entreprise au même salaire et dans la même zone géographique. “Les entreprises n’ont pas confiance en l’avenir. Elles sont frileuses à pérenniser des postes et à recruter en CDI. Il est difficile de rompre ces contrats. Avec l’intérim, l’engagement est moindre. Elles peuvent avoir une personne dès le lendemain sans avoir à l’embaucher immédiatement. Si l’accroissement d’activité se confirme, elles pourront alors le recruter en emploi durable”, ajoute Romain Werlen.
Un partenaire RH pour gagner en temps et en expertise
En revanche, si l’intérimaire ne convient pas lors de la période d’essai ou ne s’est pas présenté, l’agence de travail temporaire le remplace vite et sans surcoût. Contrairement à un CDD, l’entreprise n’aura pas à reprendre un recrutement à zéro. Un atout incontestable. Poster une annonce, partir à la chasse aux candidats, traiter les milliers de CV reçus est un travail long et coûteux. Pour celles qui n’ont ni le temps, ni les capacités de recruter par elle-même, l’organisme se charge de trouver la personne adéquate. “Pour gérer un projet imprévu ou pour remplacer un salarié absent, le besoin de compétences est urgent. Elles veulent aller vite. L’avantage de passer par une agence d’intérim est de gagner du temps. Quand le client nous appelle, nos consultants sont en mesure de leur adresser plusieurs candidatures. L’entreprise peut profiter de notre vivier de candidats disponibles immédiatement”, assure Olivier Gélis, directeur général France de Robert Half.
Pour rechercher et sélectionner les futures recrues, les agences ont des méthodes de recrutement bien rodées. Au programme : sourcing sur les jobboards et les réseaux sociaux (Linkedin, Viadeo…), sélection des CV, batteries de tests et entretiens d’embauche, vérification des références professionnelles et des diplômes.
Avec une agence, les erreurs de casting sont limitées. “Nos recrutements sont sécurisés. Quand ce n’est pas leur cœur de métier, les entreprises ont plus de difficultés à recruter. Elles risquent de se tromper lors de la sélection du salarié, poursuit Olivier Gélis. Notre rôle est de trouver une adéquation entre les besoins des entreprises et les compétences des intérimaires. Nous allons sélectionner celui qui correspondra le mieux à leurs attentes.” Une fois l’intérimaire embauché, le prestataire continue de se charger de A à Z des aspects RH et ce jusqu’à la fin de la mission. Il assure notamment l’élaboration du contrat, l’établissement des bulletins de paie, la gestion des arrêts maladies et des congés, la prise en charge de la formation professionnelle. De fait, l’entreprise de travail temporaire (ETT) reste l’employeur de l’intérimaire. Seul un contrat de nature commerciale, appelé “contrat de mise à disposition”, est conclu entre l’ETT et l’entreprise utilisatrice. Cette dernière se déleste ainsi des contraintes administratives.
Des profils haut de gamme
Ces atouts séduisent les entreprises de toutes tailles. Les PME ne sont pas toutes dotées de services RH capables de gérer ces surcharges d’activité et de recruter dans l’urgence des profils spécialisés ou rares. Les secteurs d’activité en tension qui subissent des variations fortes de leurs activités et une pénurie de main-d’œuvre qualifiée plébiscitent l’intérim. Parmi eux, l’automobile, l’aéronautique, l’énergie, l’hôtellerie-restauration, les technologies de l’information… De même, à l’image de l’économie nationale, les postes à pourvoir en intérim se situent en majorité dans le secteur du tertiaire (finance, services commerciaux, assistanat, RH, comptabilité). “Les métiers du tertiaire sont très demandés. L’entreprise ne peut pas faire l’impasse sur ces compétences clés. Ce sont des postes stratégiques. Elle sera obligée de recruter un intérimaire pour compenser une absence qui pourrait perturber son fonctionnement”, note Olivier Gélis. Mais depuis la crise de 2008, les entreprises sont aussi plus sélectives et souhaitent embaucher des intérimaires opérationnels dès le premier jour. Dans un environnement compétitif, les profils pointus, expérimentés et qualifiés sont très recherchés. Conséquence : le niveau de diplôme imposé a nettement augmenté. “Face à une concurrence acerbe, les exigences sont plus élevées. Nous assistons à une montée en puissance des cols blancs. L’intérim ne concerne plus seulement les ouvriers et le secteur industriel”, précise Jean-Philippe Cavalier.
Une passerelle vers l’emploi
Outre les compétences techniques et la connaissance du secteur d’activité, les entreprises sont très attentives au savoir-être. Ponctualité, autonomie, sociabilité, rigueur, adaptabilité sont des prérequis indispensables à une embauche en intérim. Avec des entreprises ouvertes à l’international, la maîtrise de l’anglais est aussi un plus. “Les intérimaires doivent pouvoir s’adapter au cadre du travail et s’intégrer dans une nouvelle équipe rapidement. Certains clients recherchent le mouton à cinq pattes. Ils veulent un intérimaire avec des compétences identiques à celles du salarié remplacé, constate Olivier Gélis. Mais le marché se tend en faveur des candidats qui sont de plus en plus sollicités. Si leurs attentes sont trop fortes, les entreprises risquent de passer à côté d’un bon profil.” L’intérim permet aux employeurs de tester les compétences de l’intérimaire avant de le recruter en CDI. Selon l’étude de Page Personnel, pour 75,7 % d’entre eux, cette modalité d’embauche les aide à identifier leurs futurs collaborateurs.
Face au chômage et la précarisation de l’emploi, le travail temporaire est ainsi pour les jeunes diplômés l’opportunité d’intégrer le marché du travail et d’acquérir une première expérience professionnelle. Alors que le CDI est devenu l’exception, c’est un vrai tremplin en début de carrière pour décrocher un emploi durable. Selon l’étude Les jeunes et l’emploi Prism’emploi-Opinionway, pour 64 % des sondés, l’intérim est considéré comme un moyen de construire un parcours professionnel. Au fil de leurs missions, ils vont apprendre différents métiers, renforcer leurs compétences, gagner en employabilité et développer leur réseau professionnel. Près de 20 % des salariés se sont vus proposer un emploi à durée indéterminée à la fin de leur dernière mission, affirme Page Personnel. “Au début de leur carrière, les jeunes ont un CV léger. L’intérim va leur permettre de le muscler et d’en combler les trous. Ils peuvent multiplier les expériences et travailler dans différents domaines d’activité. Pour beaucoup, c’est la première brique posée à leur carrière et une passerelle vers un CDI”, soutient Romain Werlen. Acheter un appartement ou une maison, concrétiser des projets professionnels, prévoir un emploi sont cependant autant de préoccupations qui taraudent les intérimaires. La majorité des Français rêvent toujours de stabilité.